Utiliser l'Internet

Thoër et Lévy (2012) considèrent que le réseau Interne « constitue (…) une source d’information sur la santé de plus en plus utilisée par les individus dans différents pays » (p.1). Différentes personnes y publient, observent-ils : des experts, des groupes médias, des éditeurs privés, des entreprises liées à la santé, et des individus ou groupes d’individus intéressés à certaines questions.


Les intervenants de la santé publique ont identifié 4 utilisations d’Internet pouvant contribuer à la promotion de la santé (Renaud,2012) : un mode d’intervention, un dispositif de transfert de connaissances, un outil de collecte de données de recherche, un instrument de développement des compétences professionnelles.

L’auteur note qu’Internet a l’avantage d’être accessible en tout temps et de favoriser les échanges avec des populations difficiles à rejoindre. Renaud identifie deux autres caractéristiques : la capacité de personnaliser l’information en fonction des caractéristiques de l’individu (qui permet d’espérer une meilleure appropriation) et un meilleur rapport coût-efficacité lié au nombre de personnes rejointes. À la lumière de plusieurs années de pratique, ces arguments me semblent discutables.


Afin de personnaliser l’information, le concepteur d’une intervention sur Internet devra déployer d’importants efforts de conception et de création. L’instrument en ligne devra être plus complexe qu’un simple dépliant numérisé. L’efficacité de son intervention reposera sur une connaissance du public ciblé probablement plus détaillée que celle actuellement utilisée pour guider les interventions publicitaires (accès à une large bande passante, littératie, possibilité de visionner des vidéos, problèmes visuels, possibilité de visiter un site de façon confidentielle ou non dans son milieu, urgence des besoins,  …). Si nous prenons l’exemple d’un site sur la violence conjugale, on voudra être certain qu’une personne s’y rendant pourra faire disparaître les traces de sa visite afin d’éviter qu’un conjoint ne prenne connaissance de sa démarche. On pourra aussi vouloir qu’un site qui aborde le suicide offre aux visiteurs la possibilité de demander une aide immédiate et urgente en cas de crise. On pourrait aussi distinguer, sur un site traitant de toxicomanie, les besoins des toxicomanes, de leurs proches, des intervenants du milieu. Pour plusieurs promoteurs, la conception des contenus sera beaucoup plus exigeante lors d’une intervention en ligne de ce type.


L’autre avantage théorique, celui d’ un coût moindre que le coût d’un affichage ou d’une publicité radio, est aussi fort discutable. Les interventions sur des réseaux sociaux exigent une supervision constante, quotidienne. Un animateur de réseau sera souvent nécessaire pour répondre aux demandes d’information, éliminer les interventions déplacées, repérer des problèmes dans la diffusion du message. Une page sur Internet doit être modifiée périodiquement, tenue à jour. Les hyperliens qui y sont affichés doivent être validés périodiquement… Toutes ces étapes exigent du temps et un budget. Parvenir à faire apparaître des publicités incitant au dépistage des ITS les internautes qui ont visité un site de rencontre au cours de la dernière semaine serait fort intéressant… mais le défi technologique se situe dans des budgets qui s’approchent davantage du marketing d’Amazon.com que de celui d’un organisme de santé publique. Dans mon expérience, les promoteurs qui ont l’idée d’une intervention sur Internet sous-estiment généralement les efforts et les coûts liés au maintien de leur intervention dans le temps.


Les interventions sur l’Internet ont beau être nouvelles, les fondements de la communication persuasive demeurent les mêmes. Celles « qui utilisent un cadre théoriques s’avèrent plus productives sur le plan du changement de comportements que celles qui s’en privent. Une théorie expose un éventail de façons de mener l’intervention, en pointant les construits théoriques à considérer (…). En suggérant des mécanismes d’encadrement (…), ou encore en définissant les populations bénéficiaires. » (Renaud, 2012, p.142)

 

Sources mentionnéees


Renaud, L. (2012). Internet et la promotion de la santé. In C. Thoër & J. J. Lévy (Eds.), Internet et santé. Acteurs , usages et appropriations (pp. 133-148): Presses de l'Université du Québec.

Thoër, C., & Lévy, J. J. (2012). Introduction. In C. Thoër & J. J. Lévy (Eds.), Internet et santé. Acteurs , usages et appropriations (pp. 1-9): Presses de l'Université du Québec.


La question de l’usage d’Internet pour la santé constitue une vaste champ d’études, relativement récent. Au Québec, les membres de l’équipe d’Internet & santé étudient depuis des annnées ce domaine, produisant des contributions intéressantes. La conférence du professeur Christine Thoër présentée aux Journées annuelles de santé publique de 2014, était justement consacrée au développement de l’Internet-santé. Le document vidéo suivant présente cette communication (durée de 57 minutes)




J’ai abordé la question de la production et de l’évaluation d’Internet pour la santé dans un colloque tenu à l’UQAM. L’enregistrement suivant présente cette communication (durée 54 minutes)



Dans un extrait vidéo plus court, tiré d’une entrevue destinée aux spécialistes en santé publique québécois, je traite plus spécifiquement de la contribution d’Internet à la promotion de la santé


 



Les propos exprimés n'engagent que l' auteur.  Ils ne représentent pas l'opinion des personnes et organisations mentionnées         © Claude Giroux 2017-2023