Le marketing social, la pratique pourtant la plus rapprochée de ce qui se fait en marketing pour la mise en marché de produits ou services, comporte des nuances qui le distinguent d’une simple transposition de techniques du marketing.
L’idée d’emprunter aux pratiques publicitaires peut être identifiée dès le début du XXième siècle, alors que Moree (1916) recommandait aux lecteurs de l’American Journal of Public Health d’utiliser les techniques du marketing en faisant valoir que «the only thing that differentiates your efforts from those of the department store is the fact that your profits are expressed in terms of civic improvement, social uplift and humanitarian service, while the profits of the commercial advertisers are expressed in bank balances. » (p. 741).
Vers la même époque, Schevitz (1918) présentait la publicité comme un outil puissant qui pouvait être mis au service de l’éducation du public en matière de santé. Malgré les réticences du milieu médical (déjà évoquées précédemment et qu’on pourrait probablement compléter avec d’autres éléments) et en dépit d’un possible opportunisme de l’industrie publicitaire à épouser des causes sociales pour soigner son image ou garnir son portfolio créatif, l’idée de mettre l’approche marketing au service de la santé a depuis séduit les promoteurs de la santé (Grier & Bryant, 2005 ; Hastings & Saren, 2003; Loss & Nagel, 2010 ; Raftopoulou & Hogg, 2010 ; Resnick et al., 1945). Leur intérêt tient à la perception que les campagnes sociales et commerciales partagent une préoccupation commune : « marketing, whether social or commercial, is about human behavior — changing, reinforcing, and encouraging it. » (Hastings, 2003, p. 7).
Se limiter à transposer sur des causes sociales les techniques que le marketing commercial utilise ne suffit pas (Wakefield, Loken, & Hornik, 2010). Hastings, dans «Social marketing : why should the Devil have all the best tunes ? », suggère que les utilisateurs du marketing social doivent conserver un esprit critique face aux pratiques du marketing en évitant d’adhérer, sans réserve, à ce que le marketing commercial offre : « social marketing will flourish by exploiting its twin understanding of the good and the bad that marketing can bring to society. » (Hastings & Saren, 2003, p. 315).
Le marketing social, la pratique pourtant la plus rapprochée de ce qui se fait en marketing pour la mise en marché de produits ou services, comporte des nuances qui le distinguent d’une simple transposition de techniques du marketing. Ajoutant une préoccupation éthique absente du modèle commercial, Kotler y a suggéré l’intégration des préoccupations sociales et l’importance de différencier les besoins à court terme et les intérêts à long terme des personnes (Crane & Desmond, 2002). Grier et Kumanyika (2010) élaborent sur ces distinctions en mentionnant que « the basic assumptions, conceptual models, and methods of public health and marketing professionals differ in terminology, culture, goals, and the extent of mutual familiarity despite both being interdisciplinary fields ».(p.362).
Gerard Hastings, de l’Université de Stirling (Écosse) est un des communicateurs qui expose le mieux, selon nous, la nature spécifique du marketing social. On peut voir ci-dessous une de ses présentations sur le sujet.
Plusieurs distinctions peuvent être faites entre le marketing commercial et non-commercial : les campagnes sociales ne répondent pas au besoin de générer un profit direct pour l’annonceur[1]; il n’y est pas question de vendre des produits ou services commerciaux à des consommateurs potentiels ou de créer le besoin de consommer; et, contrairement à ce qui se fait dans la publicité commerciale vante certains gains liés à la consommation (Fowles, 1996; Lears, 1984; Marchand, 1985), l’idée dont la publicité sociale fait la promotion, peut être associée à des coûts pour la personne (inconvénients, inconfort lié à la culture, sacrifices à faire, temps à investir …) (Daniel, Bernhardt, & Eroglu, 2009; Hull, Gasiorowicz, Hollander, & Short, 2013; Ling, Franklin, Lindsteadt, & Gearon, 1992). Une important distinction mérite tout particulièrement d’être abordée : le public ciblé par les campagnes sociales est différent de celui des campagnes commerciales. Et ces distinctions auront un impact considérable sur la pertinence des outils et des techniques publicitaires.
[1] Bien qu’on puisse concevoir que l’annonceur peut bénéficier indirectement du succès de ses interventions, que ce soit en raison de la notoriété obtenue ou d’économies liées à la réduction des coûts liés aux problèmes visés par la communication préventive.