Ferri M, Allara E, Bo A, Gasparrini A, Faggiano F. Media campaigns for the prevention of illicit drug use in young people. Cochrane Database of Systematic Reviews 2013, Issue 6. Art. No.: CD009287. DOI: 10.1002/14651858.CD009287.pub2.
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Les budgets importants consacrés à la prévention des toxicomanies au cours des dernières décennies justifient l’intérêt de répondre à la question posée. L’équipe de Ferri et ses collaborateurs a relevé ce défi en analysant les publications relatant 23 études de conception différentes, faites entre 1991 et 2012, impliquant 188,934 jeunes au États-Unis, au Canada et en Australie. Les chercheurs ont utilisé la technique méthodologique de la Cochrane Collaboration pour mener cette recherche.
Les études considérées par les auteurs ont toutes utilisées les médias de masse (télé, Internet, journaux, radio, babillards électroniques). Les campagnes de réduction des méfaits ont par contre été exclues, leurs objectifs n’étant pas l’abstinence de toute drogue illicite.
Différents types de campagnes de lutte aux drogues sont possibles. Les chercheurs présentent les distinctions entre celles-ci dans un tableau que j’ai traduit en version française :
La plupart des campagnes abordées dans les études consultées par Ferri t ses collègues reposaient sur quelques modèles théoriques (Croyances relatives à la santé de Glanz (2002), Action raisonnée et omportement planifié de Ajzen (1991), Normes sociales de Perkins (1986), Apprentissage social de Bandura (1977), Super-pairs de Strasburger (2008)).
L’équipe de chercheurs désirait statuer sur l’efficacité des campagnes de publicité sociale dans la prévention ou la réduction de l’usage ou des intentions d’utiliser des drogues illégales chez les jeunes. Ils ont colligé 18,343 publications dans leur recension menée sur différentes bases de données. Après un élagage méthodique et rigoureux, 23 études ont été considérées admissibles et retenues pour l’analyse.
Les conclusions des auteurs ? Selon eux, il est impossible d’affirmer, à partir des études consultées, que les campagnes de prévention de l’usage de drogues illégales chez les jeunes sont efficaces. Leur conclusion rejoint celle d’autres chercheurs (Werb et col., 2011). Par contre, disent Ferri et ses collègues, des données démontrent que ces campagnes peuvent parfois produire des effets indésirables. Dans leur conclusion, les chercheurs recommandent donc que les campagnes de ce type soient encadrées et administrées uniquement « in the context of rigorous, well-designed and well-powered evaluation studies ».
Pour les chercheurs, tant que de nouvelles recherches ne pourront pas mieux nous renseigner sur les résultats des campagnes, « we should not exclude the possibility of a campaign having iatrogenic effects » (on ne peut exclure la possibilité qu’une campagne contre la drogue puisse donner des résultats préjudiciables). Ce commentaire rejoint le propos de Laventure et ses collègues (2010) qui rapportent qu’aux États-Unis, « le tiers des programmes de prévention des toxicomanies destinés aux jeunes ont, dans les faits, entraîné l’augmentation des comportements qu’ils visaient à prévenir plutôt que leur diminution » (p.134).
Incidence pour les praticiens de campagnes sociales :
Pour ceux qui souhaitent utiliser la publicité sociale pour lutter contre l’incidence de la consommation de drogues, l’étude de Ferri énonce une mise en garde : l’efficacité sera difficile à démontrer et toute campagne peut aussi produire des effets contraires à ceux attendus.
Pour tenir compte du risque d’effets indésirables, les évaluations sont indispensables. Elles devront couvrir les différentes dimensions pouvant être influencées par une campagne. Par exemple, les praticiens qui cherchent à obtenir une forte notoriété devront aussi prêter attention à la crédibilité du message ou aux intentions suscitées (éventuellement, un clip publicitaire pourrait être connu de plusieurs personnes, mais ces personnes pourraient y décoder un message contraire à celui que l’annonceur souhaite passer). Une campagne contre la drogue pouvant même construire, dans l’esprit du public, une image négative du consommateur – facteur qui sera défavorable à l’intégration sociale et à la réduction de sa consommation de drogues – il sera justifié de ne pas limiter l’analyse d’impact d’une campagne aux seuls consommateurs qu’on cherche en premier lieu à influencer.
Autres sources citées :
Laventure, M., Boisvert, K., & Besnard, T. (2010). Programmes de prévention universelle et ciblée de la toxicomanie à l’adolescence : recension des facteurs prédictifs de l’efficacité. Drogues, santé et société, 9(1), 121-164. Retrieved from http://droguess.whc.ca/wp-content/uploads/2012/10/vol9_no1_3.pdf
Werb, D., Mills, E. J., DeBeck, K., Kerr, T., Montaner, J. S. G., & Wood, E. (2011). The effectiveness of anti-illicit-drug public-service announcements: a systematic review and meta-analysis. Journal of Epidemiology and Community Health, 65(10), 834-840. doi:10.1136/jech.2010.125195