Tout comme on peut le faire pour la publicité, on pourrait faire remonter la publicité sociale à l’Antiquité, aux scènes édifiantes sculptées dans la pierre des cathédrale pour prévenir les illettrés aux avertissements et mises en garde faites aux passants, tel le «cave canem» de Pompéi exposé au Musée de Naples qui prévient du risque canin l’impudent intrus.
Le tympan de l’Abbaye Sainte-Foy, à Conques (France), véhicule un sérieux avertissement à celui qui abuse de l’alcool, suivant la tradition de l’époque où on illustrait les conséquences négatives des comportements répréhensibles. La photographie ci-contre illustre un détail du Jugement Dernier, mettant en scène des démons qui torturent un ivrogne en le hissant par les pieds pour lui faire rejeter la boisson. Les fresques et les reliefs des édifice permettaient de véhiculer le message favorisant les comportements souhaités par les autorités, tout comme le font les affiches et les clips télévisés à notre époque. On pourrait même dire que les Mystères, forme médiévale de théâtre populaire servant à illustrer les mérites de la sainteté et la damnation des impies tout en offrant un spectacle distrayant, sont propablement l’ancètre de la publicité sociale à la télévision.
Pendant la croisade antialcoolique américaine, la militante Carry Nation a su utiliser la photographie - «nouvelle technologie» de l’époque - afin de diffuser plus efficacement son message. Le document ci-contre, exposé au musée consacré à cette héroïne de la tempérance américaine, à Medicine Lodge (Kansas, USA) témoigneavec éloquence de la détermination des protagonistes.
Ceux qui considèrent la publicité sociale comme une spécialisation de la publicité moderne perçoivent la Seconde Guerre Mondiale comme le moment charnière où cette discipline est née. L’opinion publique était de plus en plus défavorable aux publicitaires à l’aube du XXe siècle, dans la foulée des ravages causées par la publicité de charlatans et de vendeurs itinérants dont les traitements mutilaient et tuaient souvent plus qu’ils ne soignaient. Après le décès d’une centaine de personnes qui avaient consommé un « remède patenté » aux États-Unis, le Federal Food and Cosmetic Act fut adopté en 1938 afin d’encadrer la publicité sur les médicaments et traitements médicaux.
On trouve des références à cet épisode le site du Rose Melnick Medical Museum, La collection en ligne du Hagley Museum and Library permet au visiteur intéressé d’explorer l’univers des « médicaments patentés - les patent medicines » à travers la publicité de la fin du XIXe siècle, quand les cachets contre la mort subite faisaient la réclame.
La contribution de P.T. Barnum, qui a popularisé un style publicitaire développé dans le milieu du cirque, a marqué les pratiques à l’aube du XXième siècle. Ce style particulier subsiste encore de nos jours. L'usage d’un graphisme attrayant (parfois criard), le recours abondant aux illustrations, l’utilisation de superlatifs et d’éléments qui frappent l’imagination ont généré des profits pour les promoteurs publicitaires du début du siècle dernier… tout en conférant à la publicité une image négative (Goodrum & Dalrymple, 1990; Marchand, 1998; Sampson, 1974).
Le charlatanisme des vendeurs itinérants, offrant des médicaments secrets à l’efficacité douteuse, a lié l’activité publicitaire à la fraude, au mensonge et à la duperie. Ce problème de crédibilité a donné naissance, chez les publicitaires qui formaient alors les premières agences et revendiquaient un statut professionnel honorable, à l’émergence d’un mouvement de défense collective (le Truth-in-Advertising).
Mais ce n’est qu’en s'associant à l’effort de guerre lors des conflits du début du XXième siècle que la publicité obtint l’image d’intégrité qui lui faisait défaut. Mobilisée pour le soutien moral des citoyens et appuyer l’effort de guerre, les publicitaires devinrent les alliés de l’État et de ses décideurs (Rutherford, 1999).
À cette époque, la publicité parvint à être considérée comme une arme de guerre. La propagande devint outil de conquête, permettant de soutenir le moral des armées ou de détruire la motivation de l’ennemi. lors de la Première guerre mondiale, les publicitaires américains se sont alliés pour former le National War Advisory Board dont le but était d’aider le Gouvernement américain à récolter des fonds et recruter des combattants, note Marchand (1985). Les campagnes réalisée en temps de guerre furent l’occasion de prouver que la publicité pouvait influencer l’opinion de populations en entier, de générer des croyances à l’égard d’idées ou de politiques mentionne Marchand.
Un documentaire (en anglais) exposant différents documents cinématographiques de l’Office National du film du Canada (ONF) témoignent de l’utilisation de la propagande sur le «front intérieur», où il était important de «gagner les citoyens à la cause de la guerre, recruter des soldats et des ouvrières, et même promouvoir des mesures comme le rationnement».
Le document vidéo suivant permet de visionner une publicité américaine diffusée dans le but d’amener la population à repérer et dénoncer les communistes vivant dans ce pays, à l’époque de la « panique morale » du miieu du XXe siècle. De nombreux autres exemples, dsponibles sur YouTube, présentent des contributions où, sur un mode « documentaire » on fait la promotion d’idéologies jugées souhaitables: comportement à table, lutte contre l’homosexualité, prévention de la contagion.
Les réalisations et le succès des activités publicitaires liées à la Première Guerre mondiale ont conduit à la reconnaissance de la profession publicitaire au sein de la société américaine. Le président américain Coolidge, en 1926, émettait l’opinion que la publicité était l’avenir du commerce, et que les publiciatires avaient le pouvoir de « molding the human mind » (p.9). L’ouvrage de Marchand expose les liens étroits entre la culture populaire américaine et les productions publicitaires.
Les publicitaires devinrent des apôtres de la modernité (expression de Marchand), l’élite de la profession devenant les Mad Men héroïques célébrés au début du XXIe siècle dans une série télévisée.
Aux environs des années 1970, observe Ketterer (2012), on assiste à la «professionnalisation croissante des campagnes de communication, qui font de plus en plus appel à des agences spécialisées dans le domaine» (p.503). Ce constat de l’auteur, dont le propos est centré sur la France, décrit la situation d’autres pays. La pratique des campagnes, alimentée par l’apparition du concept «d’éducation à la santé » mentionne le chercheur, a contribué à la multiplication des campagnes de santé publique au cours des décennies suivantes.
L’évolution de la publicité sociale en promotion de la santé, plus spécifiquement, a été abordée dans l’entrevue qui suit, captée lors d’une entrevue accordée au Bureau de soutien à la communication en santé publique.
Sources mentionnées
Marchand, R. 1985. Advertising the american dream : Making way for modernity, 1920-1940. Berkeley :University of California Press.